Depuis quelques mois, XGS "dégraisse" en "suggérant" à certains salariés, devenus indésirables ou trop coûteux, de demander une rupture conventionnelle.
La direction ose ensuite nous annoncer que 99% des ruptures conventionnelles sont à l'initiative des salariés !
Si vous êtes dans cette situation, avant de prendre une décision contrainte, prenez conseil en contactant vos délégués CGT.
Et surtout, lisez le texte ci-dessous qui vous permettra d'y voir plus clair.
Haro sur la rupture conventionnelle
Par Franc MULLER – Avocat - Publié sur le site de JURITRAVAIL
Il faut se rappeler que cette loi avait pour origine un
accord national interprofessionnel qui avait été précédemment conclu par les
partenaires sociaux, le 21 janvier 2008.
Le patronat présentait alors la rupture conventionnelle comme
« l’équivalent du divorce par consentement mutuel dans les affaires familiales
» (cit.) et lui attribuait entre autre vertu essentielle de limiter le
contentieux lié à la rupture du contrat de travail.
Cette vision a largement inspiré la loi, de sorte que
l’article L 1237-11 du Code du travail énonce que « L'employeur et le salarié
peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail
qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la
démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. »
Nouveau mode de rupture du contrat de travail, la rupture
conventionnelle paraissait attrayante ; d’un côté, les salariés en auraient
tiré avantage, puisqu’à la place d’une démission qui ne leur ouvrait pas droit
au bénéficie de l’allocation chômage, le nouveau dispositif leur permettait de
percevoir ces allocations ; de l’autre, les employeurs y trouvaient un moyen de
rompre le contrat de travail sans contrainte trop lourde et surtout, à la
différence du licenciement, sans avoir à invoquer de motif.
A l’usage, l’expérience démontre qu’en réalité le contexte
lié à la conclusion de la majorité des ruptures conventionnelles est révélateur
du rapport de force qui détermine la relation de travail.
Fondamentalement en effet, cette relation procède d’un
rapport subordonné, dans lequel le salarié est placé sous l’autorité de
l’employeur, qui dispose du pouvoir de direction. Les parties ne sont donc pas placées sur un pied d’égalité,
c’est l’employeur qui impose ses vues au salarié et non l’inverse !
Rares sont les ruptures conventionnelles initiées par des
salariés, en lieu et place d’une démission, étant précisé que la démission est
souvent motivée par un différend d’ordre professionnel ou par une embauche dans
une nouvelle entreprise.
De fait, les ruptures conventionnelles sont majoritairement
prises à l’initiative de l’employeur, qui y a incontestablement plus avantage
que le salarié.
Les raisons peuvent en être multiples : relations
conflictuelles, manquements reprochés au salarié, volonté d’éviction, motif
économique, restructuration ou réorganisation de l’entreprise (non
nécessairement liée à un motif économique)
Force est de constater que dans de très nombreux cas, la
rupture conventionnelle s’est purement et simplement substituée au
licenciement, ce dispositif permettant d’échapper au carcan jugé trop rigide
par les employeurs des dispositions relatives au licenciement, notamment
l’exigence de justifier d’une cause réelle et sérieuse.
Concrètement les choses, telles qu’elles nous ont été
maintes fois rapportées, se déroulent ainsi : le salarié est convoqué de façon
souvent inattendue, et informelle, par l’employeur qui lui expose qu’il va
devoir se séparer de lui, en invoquant une raison (fallacieuse ou non), et que
tout bien considéré, la meilleure des solutions pour les deux parties est de
conclure une rupture conventionnelle.
A défaut d’accepter cette proposition, le salarié est
informé des foudres qui lui sont réservées, à savoir un licenciement,
nécessairement conflictuel, auquel « « il n’a rien à gagner » (les procédures
prud’homales sont longues, coûteuses, aléatoires).
On peut légitimement s’interroger sur le point de savoir si
son consentement est alors véritablement libre.
Le salarié sur la sellette doit disposer d’une grande force
de caractère pour s’opposer à cet ultimatum, auquel peu résistent face à
l’incertitude à laquelle ils sont confrontés.
S’ensuit, dans le meilleur des cas, une négociation sur le
montant des indemnités dont le salarié sera gratifié, puis en définitive la
signature du formulaire de rupture conventionnelle.
L’indemnité est souvent modique (minimum légal), même si
l’honnêteté commande de reconnaître que dans des cas limités les indemnités de
rupture conventionnelle peuvent être substantielles ; cette exception étant
motivée soit par la conscience qu’a l’employeur du risque prud’homal qu’il
encourt, soit parfois par sa bonne foi.
Maigre lot de consolation pour un salarié que d’être
indemnisé, dés lors qu’il est privé d’emploi et doit rechercher activement un
nouveau travail dans un contexte économique excessivement difficile.
Les garde-fous institués par le législateur n’ont qu’un rôle
restreint : le droit de rétractation de 15 jours est peu exercé par les
salariés qui, rendus à ce stade, ne nourrissent plus guère d’illusion sur la
possibilité de sauver leur emploi.
Quant au rôle dévolu par la loi à la Direction du travail
(DIRECCTE), dont l’exposé des motifs mettait à la charge de « sécuriser le
dispositif en garantissant la liberté de consentement des parties », il s’agit
malheureusement d’un vœu pieu.
Les DIRECCTE, assaillies de très nombreuses demandes (279
000 entre janvier et octobre 2012), se contentent d’en vérifier la forme, sans
en contrôler le fond, et ne s’assurent que rarement du consentement réel des
parties, singulièrement de celui du salarié.
Les Cours d’appel ont donc eu à se prononcer sur la validité
de ruptures conventionnelles contestées par des salariés.
La plupart ont affirmé que ce mode de rupture ne pouvait
intervenir « qu’en l’absence de litige entre les parties » (cf.
http://www.francmuller-avocat.com/les-pieges-de-la-rupture-conventionnelle),
bien qu’un arrêt de la Cour d’appel de Lyon, isolé semble-t-il, adopte une
position différente (C.A Lyon 7 mai 2012 n° 09/04353).
Ont été requalifiées en licenciement dépourvu de cause
réelle et sérieuse des ruptures intervenues dans un contexte litigieux (Cour
d’appel de Rouen, 13 mars 2012 n° 11/03543), en cas d’absence de consentement
libre et éclairé du salarié, ou lorsque la convention est finalisée pendant que
le contrat du salarié est suspendu et qu’il bénéficie d’un statut protecteur
lié à sa vulnérabilité (accident du travail, congé maternité, harcèlement
moral).
C’est également pour éviter un abus de ruptures
conventionnelles ayant pour origine un motif économique que la Cour de
cassation a jugé qu’elles devaient être prises en compte pour l’établissement
d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) (Cass. soc. 9 mars 2011, n°
10-11581).
En conclusion, si les objectifs des employeurs, soucieux de
disposer d’un mode de rupture souple et limitant le contentieux, ont été
pleinement satisfaits, on cherche vainement quels avantages en retirent les
salariés ?
Lueur d’espoir, la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2013 pourrait opportunément constituer un frein à ces pratiques, car elle
instaure à compter du 1er janvier 2013 un forfait social de 20 %, à la charge
de l’employeur pour les ruptures conventionnelles dans la limite de 2 plafonds
annuels de sécurité sociale (74 064
pour 2013).
On attend impatiemment d’observer si ce renchérissement du
coût de la rupture se révélera dissuasif.