mercredi 26 mars 2014

La souffrance au travail

Vous vous sentez en danger, vous êtes sur le qui-vive à votre travail, pour faire toujours mieux. Au fil du temps, vous ne prenez plus le temps de déjeuner, vous partez de plus en plus tard le soir. Le jour, au travail, vous pensez sans pouvoir vous en empêcher aux critiques sur votre travail. La nuit, vous faites des cauchemars sur le travail qui vous réveillent en sueur. Bientôt, vous n’arrivez plus à dormir. Les week-end, vous êtes couché avec des maux de tête ou de ventre. Vous n’avez plus l’énergie de vous occuper de vos enfants. Vous ne sortez plus car vous vous sentez épuisé et puis ce que vous ressentez au travail est impossible à partager, et vos amis se sont lassé de vous entendre parler du travail, rien que du travail… La vie sociale est devenue peau de chagrin.

Vous avez peur sur le chemin du travail, souvent votre cœur bat plus vite, vous vous mettez à trembler, vous avez un poids sur l’estomac ou la poitrine. Vous pleurez dans votre voiture ou aux toilettes. Vous êtes perdu et ne savez plus ce qui est bien ou mal, juste ou injuste, vrai ou faux.

Vous passez votre temps à vous justifier pour que les critiques s’arrêtent. Comme tout ce que vous faites est critiqué, vous finissez par vous croire nul. En plus, vous avez des problèmes de mémoire, vous avez du mal à vous concentrer.

Vous maigrissez, ou bien vous grossissez, vous êtes plus souvent malade: eczéma, gastrites, problèmes gynécologiques…

Vous vous sentez harcelé, en souffrance au travail. Vous vous sentez seul, pas soutenu, perdu. Vous ne savez plus quoi faire. Vous vous demandez pourquoi vous vous mettez dans un tel état pour le travail. D’ailleurs, on vous le dit, on ne vous a pas demandé d’en faire autant.

Ces symptômes sont spécifiques aux situations de souffrance au travail

Si le travail peut vous faire autant souffrir, c’est d’abord parce qu’il est porteur de nombreuses promesses. Promesse de l’utilisation et de l’amplification de vos savoir-faire, bref de votre corps. Promesse d’accomplissement de soi par le regard des autres sur son travail et de la construction identitaire  qui en découle. Promesse d’autonomie financière et de sortie de la dépendance aux parents, le travail est aussi promesse de l’apprentissage du vivre ensemble. Le monde du travail est l’espace social qui nous oblige à sortir de nous-mêmes, à interagir, partager et nous confronter avec tous les autres. Travailler, c’est se travailler et travailler ensemble.
C’est parce que le travail est porteur de toutes ces promesses qu’il peut, dans des conditions négatives, être source de souffrances spécifiques, de destructivité massive, incompréhensibles de l’extérieur. Et souvent de l’intérieur, pour celui qui souffre.

Une priorité, en parler, mais à qui ?

Du côté des soins

Votre médecin généraliste, en qui vous avez confiance, qui vous suit depuis longtemps et se rend bien compte que depuis l’arrivée d’un nouveau manager ou depuis la modification de l’organigramme, ou depuis que vous travaillez sur un nouveau logiciel, vous allez moins bien. Il connaît les symptômes que nous avons décrits ci-dessus…..

Votre médecin du travail. Quelquefois, vous le craignez alors qu’il est comme le médecin traitant soumis au secret médical. Lors des visites obligatoires, vous lui cachez ce qui ne va pas. Vous avez tort. Il est là pour vous conseiller. Que ce soit dans le cadre des visites systématiques ou bien à votre demande, vous devez expliquer au médecin du travail ce que vous vivez afin que ce soit noté dans votre dossier médical. En cas d’aggravation de votre situation, votre dossier de médecine du travail fera preuve de l’aggravation de votre état de santé.
Ces deux médecins, s’ils le jugent nécessaire, pourront évaluer l’urgence à vous mettre en arrêt pour vous sortir de la situation de travail pathogène. Souvent, vous êtes dans un tel état psychologique que vous n’osez pas vous arrêter. C’est indispensable pour éviter que votre état devienne chronique.
Il ne s’agit pas de vous arrêter pour vous arrêter. Cet arrêt maladie est un temps nécessaire pour vous reposer, prendre le temps de comprendre ce qui vous arrive et avec vos médecins réfléchir à l’avenir.
Le médecin traitant va mettre en place un traitement médicamenteux et un suivi psychothérapique. Etre arrêté, médicamenté et suivi atteste de la gravité de votre état vis à vis du médecin conseil de la sécurité sociale.
Le médecin du travail devrait vous voir pendant votre arrêt, uniquement à votre demande, dans le cadre de visites de pré-reprise, pour vous aider à mieux comprendre la dégradation de votre situation de travail. Ce travail de compréhension est fondamental car il va vous permettre de prendre du surplomb, de la distance par rapport à votre vécu. Le médecin du travail peut d’ailleurs vous orienter vers un clinicien du travail.
Souvent vous pensez être victime de la méchanceté de quelqu’un. La plainte individuelle, centré sur la psychologie d’un supérieur affaiblit votre discours. Vous savez que se plaindre est depuis toujours signe de fragilité personnelle. La plainte individuelle est immédiatement renvoyée à l’histoire personnelle, aux difficultés intimes. Le conflit se résume à un conflit de personnes. C’est peut-être le cas. Mais il vaut mieux vous pencher sur les modifications de vos conditions de travail qui concernent peut-être tous les salariés. Votre souffrance devient alors une affaire collective.

Du coté de l’entreprise
Le médecin du travail peut, avec votre accord, et sans parler de vous nominativement, interpeller l’entreprise, la direction, le CHSCT, les DP sur les dysfonctionnements qui présentent des risques pour la santé des salariés. Si la direction est de bonne foi et a conscience de sa responsabilité, des actions sont possibles. 
Vous pouvez aussi évoquer votre situation auprès des DP, DS, membres du CHSCT, qui pourront remonter les dysfonctionnements à la hiérarchie. Seule une délibération collective peut permettre de toucher à une organisation du travail pathogène.

Interview de Paul Bouaziz sur les techniques de management pathogènes.

Voir aussi l’Arrêt SNECMA de la Cour de Cassation.

Les stratégies de retour au travail ou de sortie de l’entreprise

- Si l’arrêt maladie, le traitement et la discussion sur le travail vous permettent d’envisager sereinement le retour à votre poste après, qu’on a procédé de bonne foi aux modifications nécessaires grâce à l’intervention des acteurs de l’entreprise, la parenthèse sombre se referme.
- Si vous avez perdu confiance dans votre environnement professionnel proche (hiérarchie, collègues) et vous voudriez muter sur un autre poste, le médecin du travail peut préconiser cette mutation (L 4624-1) qui s ‘organisera en concertation avec la direction, la DRH et vous.
Ces deux cas de figure ne sont envisageables que si l’entreprise a bien conscience de sa responsabilité vis-à-vis de la santé des salariés.

Voir aussi la loi L4121-1 du code du travail.

3 commentaires:

bernard a dit…

Merci !
Et encore plus 30 000 ce mois-ci.
Pourquoi on se génerait, de toute manière on a depuis longtemps trouvé bien mieux que les citoyens Français pour faire tourner le pays.
En ce moment l'UE négocie, dans notre dos et sans notre accord comme d'hab', avec la Georgie.
Et pour quoi faire diantre ?!
C'est marrant car ils l'avouent eux-memes en plus, les dirigeants, hors camera, l'UE à 27 est impossible à gerer.
Mais pas grave, on va bientot etre 28, puis 29, et 11 milliards pour l'Ukraine (mais attention, ceux-là ils les remboursent, gag, et avec quoi ? Avec la revente du cuivre ?), et...
Moi c'est bon, je ne me "bat" plus pour ce pays, vous parlez de baissage de bras, le voilà.
La catastrophe électorale est en cours et va s'amplifier comme jamais aux Européennes.
Mollasson premier peut bien nous dire qu'il a entendu le message, mais mon bon monsieur, c'est immédiatement dès votre élection qu'il fallait agir drastiquement plutot qu'augmenter tous les impots (pour ceux qui en payent bien sur).
Monsieur ignorait la situation calamiteuse du pays, ahurissant...
De toute manière ce pays est la risée démocratique de l'Europe, meme pas capable de pratiquer l'égalité fiscale sur son propre sol (alors l'harmonisation fiscale Européenne, condition INDISPENSABLE, vous pouvez l'oublier).
Encore merci pour votre article, mais je suis irrémédiablement et totalement dégouté et au-delà de mon travail, par la manière dont n'est pas gouverné mon pays qui pisse encore le sang des dettes de toutes parts.
Plus tard je remercierai la géneration 68, vous savez, ces "révolutionnaires" qui ont laissé leurs dettes à payer à leurs gosses !
La réalité elle est crue, c'est celle-là.
Je t'aime mon enfant, et pour te le prouver tu paiera mes dettes, allez, va à l'école maintenant.
Et ils continuent de perorer dans les médias ces clowns, vous savez, ces boulots subventionnés par l'état et où le smic n'existe pas.
Nous font de belles unes sur les gaspillages, la moderation salariale, et vont bosser à vélo dans les beaux quartiers Parisiens.
Sont vraiment trop droles.

bernard a dit…

+ 31500 chomeurs, c'est décidé, j'envoie mon CV à l'observatoire des contreparties...

Jean-jo a dit…

Le dessin est super bien et l'article très utile. Je voulais juste ajouter que la souffrance au travail peut aussi venir de la peur du licenciement pour une faute, une peur angoissante dans le contexte actuel de sous-emploi.